La question que je me pose est de savoir si le traitement médiatique d'une affaire judiciaire ne nuit pas au bon déroulement de la justice et au final à l'indépendance du juge.
A priori on peut penser que la justice doit être transparente et de ce fait les médias doivent pouvoir faire leur travail d'information on peut également s'accorder pour dire que quand les tribunaux sont ouverts la justice est mieux rendue, bien sûr ! Mais dans certaines limites tout de même, car on l'a vu dans de nombreuses affaires les médias déforment les faits en prenant fait et cause pour l'une des parties et font peser sur les enquêteurs et magistrats une pression énorme.
Quelles limites fixer à la presse ? Je crois que raisonnablement il faut fixer les limites au nécessaire respect de la personne humaine et à la présomption d'innocence. Le rôle des médias est de délivrer de l'information pas de juger. On a vu les limites du système lors d'affaires comme Outreau où l'enquête a été faite avec l'opinion publique. Le traitement médiatique de la justice suppose une extrême prudence et je ne suis pas persuadé que les médias aient le recul nécessaire, c'est d'autant plus vrai quand ils connaissent les victimes.
Les journalistes devraient, respecter un équilibre, au lieu de se lancer dans des réquisitoires ou des insinuations qui n'apportent rien à l'information sinon flatter le désir de vengeance (souvent inconscient) des victimes ou de l'opinion publique. Avant de parler de punition il semble pour le moins nécessaire de savoir si le prévenu est coupable et les médias ne sont plus dans leur rôle quand ils préjugent. Mais ce qui est plus grave encore c'est que les allégations des médias restent dans l'esprit de l'opinion publique et lorsqu'une affaire médiatisée arrive à l'audience, le public s'est déjà forgé une opinion du fait de ce traitement médiatique. Et dans ces conditions, quel peut être l'état d'esprit du juge qui s'apprête, en conscience et en parfaite connaissance du dossier, à rendre une décision contraire au verdict annoncé ou suggéré par les médias ?
Bien sûr il n'est pas question de nier le droit d'accès aux sources d'information des médias, juste de s'interroger sur le recul indispensable au traitement des affaires judiciaires par la presse. Une bonne justice suppose qu'elle soit rendue sans parti pris et en dehors de toutes influences.
Ce long préambule pour en venir où je voulais en venir !
Comme tu le sais cher lecteur adoré, il y a quelques jours j'avais commenté un article de presse faisant état du décès d'un nourrisson, puis pour des raisons que je ne vais pas ré expliquer j'ai pris la décision de retirer ce billet en laissant toutefois quelques explications sur mes motivations en lieu et place du billet initial.
Tu dois savoir que depuis j'ai été assigné en référé pour injures publiques, le référé a eu lieu lundi 5 mai au Tribunal de Grande Instance d'Annecy et le jugement sera rendu le 19 mai. Je ne vais pas commenter cette affaire où j'ai été excellemment représenté par un avocat annemassien que je remercie très sincèrement, attendons le verdict !
Je vais donc encore critiquer cet article, mais sous un autre angle cette fois-ci. La première fois j'avais été gêné par les sous entendus que je trouvais pesants et j'avais mis ça au compte d'un style d'écriture particulier ou peut être au fait que le rédacteur connaissant les parents du bébé s'était laissé emporté par l'émotion. Dans mon explication j'avais choisi de ne pas aborder cet angle. Cette semaine dans le même journal et sous la plume du même rédacteur je vois un encarté (page 8 du numéro 18) rédigé dans le même style qui sous-entend une faute du pédiatre. Toujours dans le même style le rédacteur insiste sur les noms de l'avocate du médecin, du procureur de la République, du magistrat instructeur, de l'enfant décédé, de ses parents, de ses frère et sœur, le Professeur de néonatalogie de Lyon, le médecin légiste, est-ce nécessaire à l'information ?
Cet encarté se termine par cette phrase : « …………Que l'enquêteur Sauvage avaient désignés comme experts, imputeront à leur confrère de Savoie « une perte de chances » funeste au bébé. « Perte » que ni la défenseure Bressieux ni le procureur Belin ne considèrent donc fautive. »
Peut-être que j'interprète mal, tu me diras ton sentiment, mais à lire ces lignes et celles du premier article je crains que le procès du pédiatre ne soit déjà bouclé. Une chose est certaine, je n'ai pas accès au dossier et mon jugement est forcément différent de celui du rédacteur de ces articles qui lui semble être un proche des parents du bébé et qui a dû avoir accès au dossier.
Tout le dossier ???
Dans cette affaire, on nous livre un luxe de détails sur l'état civil, sur les coordonnées des protagonistes etc……… Mais très peu sur le fond en comparaison. On se garde bien de nommer le pédiatre mais on donne des détails sur son lieu d'exercice, sur ses jours de garde et le service dans lequel il exerce de sorte qu'il devient facilement identifiable. On sous-entend une faute très grave et l'on publie la photo d'une maman tenant son bébé mort dans ses bras.
Rien de plus normal en somme.
Et lors du procès en référé j'ai entendu l'avocat de mon adversaire du jour dire ceci : « ……………il publie un article d'autocensure, mais pas un mot d'excuses…………. »
Hé bien NON Maître, je ne m'excuse pas !
Je n'ai pas à m'excuser d'avoir été choqué par l'article de votre client !
Et toi lecteur qu'en penses-tu ?
Erebus